Page:Aubert - Américains et Japonais, 1908.pdf/141

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ayant le goût de la terre, aux doigts déliés, d’esprit éveillé, et qui soient habituées à piétiner la glèbe ; il lui faut des soins incessants, variés, des touches et des retouches, plutôt que le passage uniforme, à certaines dates, de charrues, de semeuses, de lieuses à vapeur que mène un gentleman flegmatique, la pipe aux dents.

« Nous voudrions voir ici beaucoup de paysans français, me disait en 1904 le secrétaire du Merchants Exchange de San Francisco, des paysans des Hautes et Basses-Alpes, des Hautes et Basses-Pyrénées, des Béarnais. » Mais les Français sont loin de la Californie, et ils n’émigrent pas volontiers. Beaucoup plus voisins sont les Japonais et si bien adaptés aux exigences de cette terre ! Sans dépaysement, ils retrouvent en Californie un pays de volcans et de tremblements de terre, de vallées affaissées qu’enclosent de hautes montagnes, de torrents à capter, de canaux à creuser, de terrasses à niveler et à irriguer. Eux, les travailleurs des rizières, ils connaissent les tâches patientes, les pieds dans l’eau, la tête au soleil, et ils sont préparés à tous les travaux d’irrigation. Le respect de la glèbe, ils l’ont aussi, ces amoureux de leur terre japonaise, et encore le goût des cultures intensives, des besognes de détail : ils excellent à cueillir des fruits, à soigner des fleurs. Ils fuient les grands espaces, la culture industrielle, les aristocratiques besognes de contrôle ; et ils ont l’habitude de la vie en denses communautés.

Au total, un pays immense, presque désert, peuplé, pour les deux tiers, d’immigrants qui viennent d’autres