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États américains et de l’étranger ; des villes encombrées d’aventuriers qui passent, sans s’attacher au sol, intermédiaires qui vivent d’un courtage sur le trafic entre l’Orient et l’Occident[1] ; un climat trop beau, trop doux que recherchent les oisifs du continent et qui incline à une vie de plein air, paresseuse et jouisseuse ; la tradition des mines d’or, des fortunes faites d’un coup, vite défaites qui conseillent le plaisir immédiat[2] ; une société à cadres peu fixes, où les divorces sont fréquents, la natalité faible ; des habitudes d’aristocrates assez semblables à celles des planteurs du sud des États-Unis ; le besoin d’une main-d’œuvre de serfs résignés et obéissants ; — la Californie se présente sans un noyau de société résis-

  1. Voici le jugement de Frank Norris sur San Francisco : « En plein centre de la cité, on n’avait pas l’impression d’une activité commerciale très intense. L’intérêt n’y chômait pas pour les petites choses ; le peuple était toujours prêt à s’amuser pour des riens, refusant de penser aux affaires sérieuses, — bon garçon au demeurant, à qui on imposait aisément, prenant la vie doucement, généreux, gai compagnon, enthousiaste, vivant au jour le jour dans cette ville où l’on pouvait se procurer sans effort les joies de la vie et qui avait l’inquiétude de New-York sans le sérieux… Tremblement de terre, feu, désordres antijaponais, municipalité corrompue, le maire et ses conseillers en prison : en dépit de ces épreuves qui l’ont rendue tristement célèbre, San Francisco ne parait guère avoir changé d’esprit. La reconstruction de la ville marche très lentement : plus de 200 millions de dollars avaient déjà été dépensés en juin 1907, et l’on estimait à San Francisco même que le travail utile ne représentait guère plus de 50 millions. « Après nous le déluge ! » répètent les gens responsables, qui ne se préoccupent pas de suivre dans les nouvelles constructions les règles indispensables pour les pays à tremblements de terre. Il faut distinguer, dans l’Ouest des États-Unis, les descendants des aventuriers qui font de San Francisco une ville cosmopolite et les descendants des New Yorkais ou des New Englanders qui sont installés comme fermiers, autour de Portland, par exemple.
  2. Quelqu’un définissait devant moi cette vie : a long game of poker.