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Si cet américanisme des Japonais était sincère et si le conflit entre Américains et Japonais n’était qu’économique, on pourrait escompter un rapprochement assez rapide entre les deux races : les Japonais désireux d’acquérir des métiers qualifiés et de gagner de hauts salaires, curieux de manières et de langage américains, prêts à se marier à des Américaines, oublieraient, petit à petit, les îles japonaises et le Mikado ; conquis par l’Amérique et ses possibilités indéfinies, ils ne résisteraient pas à l’attraction de sa civilisation industrielle : chez eux au Japon elle transforme déjà la vie[1] ; à plus forte raison agirait-elle aux États-Unis sur les goûts, les besoins, les pensées des Japonais déracinés et sur leurs enfants qui y sont nés. Pendant une ou deux générations, il y aurait de mauvais moments à passer, mais, au bout du compte, l’on pourrait prévoir une conciliation.

Le conflit n’est-il qu’économique ? Le gouvernement japonais l’affirme, toutes les fois que par des notes officieuses il veut donner à croire que la guerre n’est pas à craindre[2]. Mais, malgré tous les démentis, c’est bien d’une question de race qu’il s’agit : les

    Tôkyô, sous le titre Beikoku Rôdo Benran, un guide destiné « à encourager nos compatriotes qui traînent au Japon une existence misérable à passer l’Océan pour prendre leur part des richesses des États-Unis, destiné aussi à aider nos compatriotes qui désirent exercer là-bas une profession ». Le guide contient un manuel de conversation anglaise, à l’usage des Japonais du peuple.

  1. J’ai développé ce point dans Paix japonaise. Le Paysage japonais, Routes japonaises, L’Inkyo.
  2. « L’ambassadeur du Japon, le baron Kurino nous a répété ce qu’il nous a dit à diverses reprises, à savoir que la question de l’immigration aux États-Unis est considérée par son gouvernement comme une affaire économique et qu’il n’a pas l’intention de l’élargir pour en faire une question d’amour-propre. » Le Temps, 6 janvier 1908.