Page:Aubert - Américains et Japonais, 1908.pdf/220

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop vernis, ces Européens d’hier se gaussent des Allemands et des Irlandais encore mal débrouillés ; ou bien ceux d’origine germanique, faisant bloc contre les Latins réputés superstitieux, dégénérés, sales et bavards, enveloppent, d’un mépris général, les Italiens[1], tous cireurs de chaussures, les Français, tous cuisiniers, les Mexicains, les Brésiliens, et aussi les derniers venus, les faméliques de l’Europe orientale et d’Asie, Juifs, Slaves ou Arméniens. La nation américaine se recrute comme un club ou comme une de nos grandes écoles du gouvernement : the man in the street, qui se croit américain pur sang, fait payer cher aux nouveaux venus en quolibets et en regards de pitié le dignus es intrare : chez tout ce peuple, c’est l’aristocratisme protecteur et cruel des promotions vieilles d’une ou deux années pour le pauvre nouveau.

Nombreuses sont les restrictions d’argent, d’âge, de morale, de santé qui successivement ont été imposées à l’immigration. Tour à tour, les Irlandais, les Allemands, les Italiens et maintenant les Slaves, les Arméniens, tant qu’ils ont vécu groupés par races, par langues, avec leurs régimes et leurs besoins d’autrefois, ont été dénoncés comme des dangers publics. Puis, comme à l’usage on s’aperçoit que les forces convergentes des public-schools, du bulletin de vote, des trade-unions et des églises finissent par dissoudre ces noyaux compacts, par

  1. Dans plusieurs villes du Mississipi, les Américains en 1907 ont voulu expulser des écoles les enfants italiens. Les Italiens, de tous les Blancs, sont les moins fiers ; ils s’accommodent des travaux les moins relevés dans le sud des États-Unis, ne refusent pas d’y travailler et d’y vivre à côté de Nègres. Aussi, de la part des Blancs, sont-ils soumis à toutes sortes de vexations.