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pour le campagnard ; des clients résignés, à qui écouler sa camelote pour le petit marchand ; du charbon, du fer, du coton, des peaux, de la laine à exploiter pour le capitaliste, et derrière toutes les initiatives privées, les aguichant, les soutenant, le gouvernement japonais qui enquête, fonde des banques, des caisses rurales, avance des fonds, et toujours justifie ou protège les pilleries et les injustices commises par ses nationaux[1].

Car c’est une mission nationale que ces bataillons d’émigrants vont remplir : l’imagination excitée par les enseignements des écoles, des journaux, des politiciens, ils partent reconstituer la grande Corée d’autrefois, la Corée d’au delà des rives du Liao-ho et du Soungari, protéger la Mandchourie contre une nouvelle descente des Russes, s’y installer si bien qu’il ne soit plus question de l’évacuer, surveiller Pékin et la Chine du nord ; ils sont portés par l’élan de l’opinion populaire qui, pendant la guerre russo-japonaise, voyait déjà les armées du Mikado atteindre le Soungari et pousser jusqu’au Baïkal[2]. Le traité de Portsmouth pour ces esprits échauffés fut une faillite : ce que soldats et diplomates ne surent pas gagner au Grand Japon, c’est aux émigrants de le conquérir pacifiquement.

Est-ce à dire que l’émigration japonaise, fourvoyée

  1. Le gouvernement japonais projette d’établir au Japon dans chaque préfecture un bureau colonial, et de consacrer un dixième du budget départemental aux entreprises coloniales. Les colons seraient expédiés par groupes de familles, encadrées de médecins, de maîtres d’écoles, etc.
  2. Cf. Paix japonaise, pp. 32 et 33.