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sacrifice de son prestige ? Sa concession n’est-elle pas seulement temporaire ?

Jusqu’ici l’émigration vers les Hawaï et les Amériques a été encouragée officiellement ; l’État japonais[1] avait intérêt à la fondation de Shin Nihon, de Nouveaux Japons qui, gardant leur loyalisme à l’égard du Mikado, promouvaient outre-mer l’influence de Dai Nihon. Chaque année les émigrants envoyaient au pays, par millions, leurs économies. Cette émigration, entreprise depuis dix années environ pour des raisons d’État, peut-elle être arrêtée tout d’un coup pour des raisons d’État ? Même résolu à entraver définitivement tout départ vers les Amériques, le gouvernement japonais est-il resté le maître absolu du mouvement ?

Certaines irrésistibles forces continueront de pousser les coolies vers les États-Unis : densité de population, développement de l’industrie au Japon, exemple de l’émigration européenne, élan que donne la victoire, idée d’une mission nationale, désir d’aventures et d’expériences nouvelles, certitude d’emplois sans la concurrence des Chinois, attrait de salaires bien plus élevés que ceux que l’on peut gagner en Corée, en Mandchourie ou au Japon ; popularité du mouvement vers l’hémisphère Ouest, mouvement acquis et qui de lui-même s’accélère — ceux qui ont réussi dans les Amériques faisant venir leurs parents et amis — ; assurance qu’on a besoin d’eux aux Hawaï, dans l’Ouest canadien et américain, dans les pays d’Amérique du Sud ; enfin volonté orgueilleuse, du moment qu’on s’oppose injustement à leur venue,

  1. Cf. les preuves données pp. 56-61, 224-229, etc.