Page:Aubert - Américains et Japonais, 1908.pdf/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Orientaux à n’être que des coolies, telle est l’idée qui résume leurs déceptions, leurs mépris et leurs rancunes.

Question de race mise à part, la juxtaposition dans ces îles isolées d’une très nombreuse main-d’œuvre importée et d’une rare main-d’œuvre permanente, suffirait à créer de gros problèmes sociaux. Il est fatal que des travailleurs importés pour un temps assez court se contentent d’un régime et de salaires très inférieurs aux exigences de la main-d’œuvre permanente. Venant pour quelques mois ou quelques années dans un pays qui offre de plus hautes payes que le leur, en ce peu de temps ils entendent économiser de quoi retourner chez eux aussitôt que possible et avec la plus large aisance. D’où, pendant leur temps d’exil, la vie humble, parcimonieuse, qu’ils mènent à l’écart. Lucquois qui vont en Corse pour la moisson ou l’abattage des arbres, Belges qui fauchent nos champs, terrassiers italiens qui travaillent aux forts de Lorraine, — le phénomène est général, tous s’acharnent à drainer, au prix de fatigues et de privations temporaires, un capital qui chez eux leur assure repos et bien-être. Aux Hawaï, cette énorme colonie de nomades asiatiques ni par ses salaires, ni par ses économies n’aide beaucoup à développer l’industrie.

Par réaction contre la vie si piètre des Jaunes et par gloriole de race supérieure, un Blanc aux Hawaï dépense plus qu’un salarié de même classe aux États-Unis. Comme monnaie, il ne se sert pas de pièces valant moins de cinq sous. « Nulle part ailleurs les pauvres ne font autant de chic », remarque un charpentier américain d’Honoloulou. Par les rues, on ne voit jamais un ouvrier blanc porter son dîner dans