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une proie facile comme l’émigrant d’Europe, révolté, individualiste, tout prêt à entrer dans les groupes qui l’américaniseront. Sur ces Japonais qui, en masse homogène, vivent à moitié chemin environ du Japon et des États-Unis, l’attrait de leur pays et de leur histoire reste plus fort que l’idée américaine qui, représentée aux Hawaï par quelques milliers de personnes, ne peut pas avoir la même force persuasive et dominatrice que sur le continent.

Le danger n’est pas immédiat : les Japonais nés dans les îles et qui sont en âge et en humeur de naturalisation sont encore trop peu nombreux. Mais, en attendant, les Japonais, venus du Japon et qui ne peuvent devenir citoyens américains, influent par leur seule présence sur la vie politique. Théoriquement le gouvernement est basé sur le suffrage universel : en fait, à cause de cette grande majorité d’Asiatiques, les îles sont gouvernées par une très petite minorité, et la grande majorité ne pourra jamais avoir le droit de vote. La seule présence des Asiatiques pousse politiquement les Blancs vers l’oligarchie, comme socialement il leur fait prendre le ton et les manières d’aristocrates. D’autre part, le titre de naturalisé aux Hawaï vaut aux États-Unis. Il faudra donc un contrôle de plus en plus compliqué pour distinguer les Japonais nés aux Hawaï des émigrants frais émoulus du Japon : une escale aux Hawaï peut servir aux Japonais à acquérir la pratique d’un métier occidental et à gagner pour leurs enfants le titre de citoyens américains. Les mesures pour interdire l’entrée des États-Unis aux coolies japonais, ne s’appliqueront jamais à tous les Japonais nés aux Hawaï : ils ont le droit de se faire naturaliser.