morts. C’est sur la côte en face qu’il faut naître, et si la mort vous surprend ici, on vous fait traverser le détroit. Les chiens ne sont pas tolérés. Point de cultures ; l’île reste sauvage. Suivant la maxime shintô, Miyajima suit sa nature, sans que rien ne la trouble. L’air est léger, tout parfumé d’odeurs marines dans les bois. Le temple shintô, au fond d’une anse, est un amas de bâtiments peints en rouge vif, d’un éclat tout neuf. Bâtis sur pilotis, isolés du village par un fossé que la marée comble, ils sont entourés de lanternes en pierre, d’ex-voto, d’arbres géants au tronc soyeux, de petits auvents où l’on détaille les reliques.
En avant de la crique, dans la mer, se dresse le torii, le portique de bois aux cornes retroussées. Il est là, toujours à son poste, célébré depuis des siècles par les poètes et les peintres. Quand la marée baisse, on le plaint presque, à le voir chargé de sel, de coquillages et de goémons, découvrir ses extrémités déformées et percluses.
Sur le fond immuable et sombre des cryptomérias et des pins qui dévalent à pic, flambent tout rouges des érables. Nous avons gravi les hauts escaliers ; la voie sacrée aux dalles disjointes est jalonnée de vitrines et de vieux temples. Depuis plus de trente ans les Shintoïstes ont repris aux Bouddhistes le gouvernement de l’île. Partout des ruines, les toits s’effondrent sur les Bouddhas recouverts d’un linceul de mousse. Les pèlerins ne viennent plus ici : les dieux de bois et de pierre méditent, délaissés, devant