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Le nouvel arrivé était d’une belle taille et sa mise très-recherchée ; les traits de son visage, d’une beauté rare, annonçaient la fatigue jointe à une mélancolie habituelle. Il salua le compagnon de Lepage qui, le reconnaissant, lui rendit son salut, en lui disant : — Vous paraissez fatigué Mr. de St. Céran ; venez-vous de loin ?

— J’arrive des pays d’en-haut, répondit ce dernier.

— Allez-vous plus loin ce soir, François ?

— Non je profite de l’offre obligeante de monsieur et je vais coucher chez lui ; et vous ?

Ici la physionomie de Lepage se rembrunit. Il avait intérêt à ce que personne ne sût que le malheureux colporteur passait la nuit dans sa demeure.

Je vais marcher encore une demi-heure et je crois que je logerai ce soir chez un de mes amis — Adieu je suis pressé. Il continua sa route. Guillemette prit le chemin du rivage et après avoir chassé près d’une heure, il rentra au logis pour souper. Il trouva la table mise et se mit à manger de bon appétit. La conversation roula pendant le repas sur ses spéculations et il avoua franchement à son hôte qu’il n’avait vendu que pour onze louis depuis son départ de la capitale. Après avoir pris quelques verres de vin qui contenaient un fort narcotique que Lepage y avait jeté à son insu, il manifesta le désir de se reposer, et se jeta sur un petit lit où il ne tarda pas à s’endormir.