Des maris assommez ou bannis pour leur bien, [1]
Ils courent sans repos, et quand ils n’ont plus rien
Pour souler l’avarice, ils cerchent autre sorte
Qui contente l’esprit d’une ordure plus forte.
Les vieillards enrichis tremblent le long du jour.
Les femmes, les maris, privez de leur amour,
Par l’espais de la nuict se mettent à la fuite :
Les meurtriers souldoyez s’eschauffent à la suite. [2]
L’homme est en proye à l’homme, un loup à son pareil. [3]
Le pere estrangle au lict le fils, et le cercueil [4]
Preparé par le fils sollicite le pere ;
Le frere avant le temps herite de son frere.
On trouve des moyens, des crimes tous nouveaux. [5]
Des poisons inconnus ; ou les sanglants cousteaux
Travaillent au midi, et le furieux vice [6]
213. Pour le fils T.
- ↑ 203. Pour leur bien, à cause de leurs richesses, pour s’emparer de leurs biens. Pour le sens de bien, cf.v.252.
- ↑ 210. Meurtriers. Le moyen âge et le seizième siècle font ce mot de deux syllabes. La diérèse, de règle aujourd’hui, a été introduite surtout par Corneille. Cf. Tobler, Le vers français, p.99.
- ↑ 211. Pareil rimant avec cercueil. Ces sortes de rimes sont fréquentes dans d’Aubigné. Cf.œil et soleil, IV, 289, 301,309, Jug. : œil et conseil, IV, 91, Princes. Sur les fluctuations de la prononciation des sons eil, oeil, ueil, euil au seizième siècle, cf. Thurot, I, 462-467.
- ↑ 212. Imitation de Lucain, Ph., II, 149 :
Nati maduere paterno
Sanguine ; certatum est, cui cervix caesa parentis
Caderet ; in fratrum ceciderunt praemia fratres... - ↑ 215. Moyens, ruses habilement tramées. Ce mot a, dans la langue de d’Aubigné, un sens beaucoup plus précis que dans l’usage général. Cf.IV, 79, Princes :
On cerche un esprit vif, subtil, malitieux.
Pour ouvrir les moiens et desnoûer les noeads.
IV, 87, Princes :
On traitte des moiens et des ruses nouvelles
Pour succer et le sang et les chiches moëlles
Du peuple ruiné. - ↑ 217. Cf. Lucain, Ph., I, 063 :
Ferrique potestas
Confundet jus omne manu ; scelerique nefando
Nomen erit virtus.