D’un homme demi-mort le chef se débattant,
Qui sur le sueil d’un huis dissipoit sa cervelle.[1]
Ce demi-vif la mort à son secours appelle
De sa mourante voix ; cet esprit demi-mort
Disoit en son patois (langue de Perigort) :
« Si vous estes François, François, je vous adjure,
Donnez secours de mort : c’est l’aide la plus seure
Que j’espère de vous, le moyen de guérir.
Faictes-moy d’un bon coup et promptement mourir.
Les Reistres m’ont tué par faute de viande,
Ne pouvant ni fournir ni ouïr leur demande.
D’un coup de coutelats l’un d’eux m’a emporté
Ce bras que vous voyez près du lict à costé ;
J’ai au travers du corps deux balles de pistolle. »
Il suivit, en couppant d’un grand vent sa parolle :[2]
« C’est peu de cas encor et de pitié de nous :[3]
Ma femme en quelque lieu, grosse, est morte de coups.
Il y a quatre jours qu’ayans esté en fuitte,
Chassez à la minuict, sans qu’il nous fust licite.
De sauver nos enfans liez en leurs berceaux,
Leurs cris nous appelloyent, et entre ces bourreaux
Pensans les secourir nous perdismes la vie.
Helas ! si vous avez encore quelque envie
De voir plus de mal-heur, vous verrez là dedans
Le massacre piteux de nos petits enfants. »
J’entre, et n’en trouve qu’un, qui lié dans sa couche
Avoit les yeux flestris, qui de sa pasle bouche
Poussoit et retiroit cet esprit languissant,
Qui, à regret son corps par la faim délaissant,
394. Ni fournir ne scavoir T.
- ↑ 385. Sueil. Sur cette orthographe, cf. note sur le v. 211.
- ↑ 398. Il suivit, il poursuivit. Littré cite encore un exemple do Corneille : « Adieu, quelque autre fois nous suivrons ce discours. »
- ↑ 399. Entendez : c’est peu de chose encore, et il n’y a pas là de quoi nous prendre en pitié. Mais, voici qui est pis… Sur pitié signifiant sujet, occasion d’exercer sa pitié, cf. note sur le v. 321.