De ceux qui par la faim estoient morts enragez ?
Et encore aujourd’hui, sous la loi de la guerre
Les tygres vont bruslans les thresors de la terre,
Nostre commune mère ; et le degast du pain[1]
Au secours des lions ligue la pasle faim.
En ce point, lors que Dieu nous espanche une pluye,
Une manne de bleds pour soustenir la vie,
L’homme, crevant de rage et de noire fureur,
Devant les yeux esmeus de ce grand bien-faicteur[2]
Foule aux pieds ses bien-faiets en villenant sa grâce,[3]
Crache contre le Ciel, ce qui tourne en sa face.
La terre ouvre aux humains et son laict et son sein,
Mille et mille douceurs que de sa blanche main
Elle appreste aux ingrats qui les donnent aux flammes.
Les degats font languir les innocentes âmes.
En vain le pauvre en l'air esclatte pour du pain :[4]
On embraze la paille, on fait pourrir le grain[5]
Au temps que l'affamé à nos portes séjourne.
Le malade se plaint : cette voix nous adjourne
Au throsne du grand Dieu ; ce que l’affligé dit
En l’amer de son cœur, quand son cœur nous maudit,
Dieu l’entend. Dieu l’exauce, et ce cri d’amertume
Dans l’air ni dans le feu volant ne se consume :
450. Vont sentir T.
- ↑ 439. Degast. La destruction du pain, c'-à-d. le pillage des récoltes. Cf. V. 450.
- ↑ 444. Bien-faicteur. Nous avons rencontré déjà plus d’un exemple de cette orthographe : faict, laict, droict, minuict, etc. Sur la présence dans ces mots d’un c parasite et faussement étymologique, cf. Darm. et Hatzf., p. 197.
- ↑ 445. Villenant, insultant. Le Dict. de l'Acad. de 1694 donne comme un des sens de vilenie : « Paroles injurieuses, ou deshonnestes. Il lui a dit mille vilenies. »
- ↑ 451. Esclatte. Cf. note sur le v. 360.
- ↑ 452-3. Les précédentes éditions mettent un point après pain et une virgule après séjourne : ce qui, selon nous, ne donne pas un sens bien net. Nous rapportons donc le v. 452 au v. 453 et nous arrêtons la phrase après sejourne.