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IV
INTRODUCTION

plus d’un roman des xiie et xiiie siècles insère dans le récit des morceaux parlés ; certains, comme Guillaume de Dole, y joignent des chansons ; dans aucun le mélange du « conté » et du « parlé » n’est aussi large, ni les chansons ne viennent alterner aussi régulièrement avec la prose, et surtout dans aucun elles ne font, comme dans Aucassin, partie de la trame même du récit[1].

Cette forme originale et unique dans la littérature du moyen âge, telle qu’elle nous est parvenue, est-elle une invention propre a l’auteur, invention qui peut-être n’a pas rencontré le succès ni suscité d’imitations ? Aucassin et Nicolette n’est-il au contraire que l’unique échantillon conservé d’un genre jadis en faveur[2] ? Mais aussi bien comment définir ce genre, et qu’est-ce que Aucassin et Nicolette ?

Les uns en ont fait un roman, un conte[3], une nouvelle[4], un fabliau même, et si aucun de ces noms, entendu dans un sens précis, ne parait convenir exactement, tous expriment du moins cette idée qu’Aucassin et Nicolette est avant tout un récit ; mais on ne les emploie d’ordinaire qu’en y joignant des remarques sur l’impression de style parlé ou de pièce jouée que donne la chantefable. D’autres ont voulu y voir une véritable composition dramatique, faite pour être jouée par un ou plutôt par plusieurs acteurs, et l’on a tenté d’interpréter comme des indications scéniques, destinées

    prose (II, IV, VI, VIII, X, XIV, XVIII, XX, XXII, XXIV, XXVI, XXVII, XXX, XXXII, XXXVIII, XL) et quatre laisses (III, XXI, XXVIt, XXIX).

  1. La laisse I est un prologue, III et XXXI répètent le récit de II et XXX ; les laisses V, VII, XIII, XVII, XXIII, XXV, XXXIII, XXXV sont des monologues d’Aucassin ou de Nicolette, qui n’apportent pas au récit d’élément nouveau ; mais IX, XI, XV, XIX, XXI, XXVII, XXIX, XXXVII, XXXIX, XLI, sont indispensables à la suite du récit et ne peuvent en être détachés.
  2. C’est l’opinion de G. Paris, Poèmes et légendes, 99 ; W. Meyer-Lübke y contredit, sans plus de preuve.
  3. G. Paris, o. c., 98, et dans ses deux manuels ; Mme Lot-Borodine ; Clédat dans Petit de Julleville, Histoire de la littérature, I, 333.
  4. L. Moland, W. Söderhjelm, H. Suchier, qui y a vu une forme intermédiaire entre la nouvelle en vers et la nouvelle en prose.