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fils. » Et voilà maintenant que, loque humaine usée à lui faire un rempart de sa poitrine, la France le rejetait !… La France ! Non ! ce n’était pas possible ! C’était le colonel seulement qui avait crié : « Va-t’en ! » Il en appela de la décision du colonel au ministre de la Guerre. Le ministre de la Guerre donna des ordres au médecin de l’hôpital du Dey, qui passa une contre-visite et conclut que Salah était encore bon pour le service et pouvait attendre sa retraite.

Le colonel ne se rangea nullement à cet avis, et le lendemain, il fit jeter Salah hors de la caserne par quatre hommes. Ce fut un spectacle lamentable : le no 8.471 ne voulait pas se laisser chasser : il priait, il suppliait : « Je suis seul au monde… Ma tribu m’a maudit quand je me suis engagé… Mes parents, mes amis, criait-il, ce sont mes compagnons d’armes ! Mon foyer, c’est le régiment. » Puisqu’on lui interdisait de manger la soupe, il ne voulait pas s’en aller, sans avoir un dédommagement. « Pension ou soupe », répétait-il en se cramponnant, obligeant les quatre hommes à le traîner, à le porter au dehors.

En effet, ou Salah est bon à faire un soldat, comme l’a déclaré le médecin de l’hôpital militaire d’Alger, et alors il peut finir son temps, attendre sa retraite ; ou il est, comme le soutient le colonel, impropre au service pour cause d’infirmité contractée dans le métier militaire, et la France doit l’indemniser.