Page:Audebrand - Derniers jours de la Bohème, Calmann-Lévy.djvu/89

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pos sur l’art, sur l’amour, sur la comédie sociale ! Ceux-là allaient de table en table chercher un sujet de polémique. Un d’eux, doué d’une voix tonnante, interpellait les voisins avec ironie, comme Diomède, quand il invectivait les chefs troyens. Il y en avait aussi un qui rappelait Tabarin lançant des quolibets sans queue ni tête du haut de son estrade.

En bonne règle et pour me conformer à la coutume de l’énumération homérique, attribut obligé de tout récit épique, je devrais nommer un à un tous ceux qu’on a vu apparaître dans ce Capharnaüm mais je demande à m’exempter de ce rude labeur. Il y aurait là à dresser une litanie dix fois plus longue que celle du rituel romain et, après les cent premiers noms, dont la plupart ne rappelleraient rien de notable, le lecteur se verrait forcé de demander grâce. Bornons-nous donc, ne disons rien non plus de ceux des visiteurs qu’avait attirés la curiosité et qui se sont vite enfuis d’effroi en croyant avoir mis le pied en en- fer. Autre détail bizarre. Il en a été qui auraient désiré y venir et qui ne l’ont pas pu. Henri Heine habitait tout près, lui, Mathilde et son perroquet. Cédant à l’attrait du bruit, il aurait bien voulu voir ce que c’était, mais, en ce même temps, le brillant ironiste de Reisebilder était couché tout de son long, sur un lit de douleur ; c’est sur ce grabat, où, pour lui transmettre un message d’Alexandre Dumas père, je l’ai vu, les yeux à