Page:Audet - Les députés de la région des Trois-Rivières (1841-1867), 1934.djvu/30

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 33 —

Oui, firent-ils ensemble.

Eh bien ! allez-y.

Après s’être regardés dans le blanc des yeux, les adversaires joignirent les mains et commencèrent. Dès le début, M. Turcotte, qui était manchot du bras droit à la suite d’un accident, s’aperçut que cela lui donnait un avantage sur son adversaire qui avait l’habitude de tirer de la main droite.

La lutte ne fut pas longue ; d’un coup sec, M. Turcotte abattit violemment la main de son adversaire sur la table. « Et d’une », fit-il. À la deuxième reprise, Xavier Baron était sur ses gardes et résista plus longtemps, mais enfin sa main[1] s’abattit une seconde fois et M. Turcotte fut déclaré vainqueur.

Et voilà comment l’on faisait parfois les élections dans le bon vieux temps.

La présence d’esprit de M. Turcotte était remarquable et, comme preuve, voici ce qu’écrivait de lui N. C., prêtre (Nap. Caron, mort en 1933, croyons-nous), dans Le Ralliement du 1er avril 1928 :

« L’honorable Édouard Turcotte était un bel orateur, à la voix sonore, aux gestes naturels et très expressifs. Sa phrase était toujours claire et convaincante ; et, même dans les assemblées tumultueuses, il demeurait toujours calme et bien maître de lui-même. Dans les discussions électorales, son argumentation était si forte et ses reparties si heureuses, qu’à la fin ses partisans devenaient fiers de lui et l’applaudissaient à outrance.

« Dans une élection, il était allé adresser la parole en faveur d’un confrère, dans la paroisse de La Baie-du-Febvre. L’assemblée était nombreuse, fort divisée et un peu remuante.

« Un jeune homme, qui n’était pas de son parti, prit un moyen étrange de le troubler dans son discours ; il s’en vint traînant un veau de quelques mois, et se plaça, avec son singulier compagnon, bien en face de la tribune. À ce spectacle, une hilarité générale se répandit dans l’assemblée : partisans et opposants se demandaient

  1. Les Archives Publiques du Canada, possèdent un tableau de S. DOUCET illustrant cet épisode.