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Il s’en suivit de longs débats, de bien chaudes discussions, mais les tories triomphèrent.

« Le grand jour de l’élection arrivé, les deux candidats firent les discours d’usage, et promirent, comme on le fait de nos jours, plus de beurre que de pain aux sots (et j’étais probablement du nombre) qui ajoutaient foi à leurs discours. L’âge d’or allait renaître pour les écoliers ! plus de pensums, plus de férule, mais des confitures à tous nos repas. Rien de plus aisé à obtenir ; il ne s’agissait que de présenter au supérieur, une requête appuyée par un corps aussi auguste que notre parlement.

« Papineau, âgé alors de treize à quatorze ans, monta sur le hustings et, dans un discours qui dura près d’une demi-heure, foudroya notre malheureux candidat. Je l’ai souvent entendu depuis tonner dans notre parlement provincial contre les abus, la corruption, l’oligarchie, mais je puis certifier qu’il n’a jamais été plus éloquent qu’il le fut ce jour-là. Les prêtres du séminaire s’écriaient : c’est son père ! c’est tout son père ! Quel champion pour soutenir les droits des Canadiens, lorsqu’il aura étudié les lois qui nous régissent ! Et les messires Demers, Lionnais, Bédard et Robert, qui rendaient ce témoignage, étaient des juges compétents. » conclut M. de Gaspé.

Juges compétents ! peut-être, mais éducateurs malhabiles, en tout cas. L’admiration irraisonnée et l’encens à bon marché prodigués à cet enfant, développèrent chez lui une trop grande confiance en soi-même et une croyance injustifiée en ses forces. Dès le collège, où maîtres et élèves le regardaient avec fierté, le tenaient pour ainsi dire sur un piédestal et se pâmaient d’admiration à ses moindres paroles, à ses moindres gestes, dès ses années de collège, dis-je, il se crut d’une essence supérieure, et son orgueil natif s’en accrut d’autant. C’était là, on en conviendra, une éducation fautive, désastreuse pour l’enfant, et qui devait être plus tard, son plus grand ennemi : on faussait inconsciemment son jugement.

Quoique d’une intelligence supérieure, ce manque de jugement, de pondération et d’empire sur soi-même, firent commettre à Papineau de lourdes fautes en politique. D’une suffisance impérieuse, il se croyait en droit de faire la leçon à tout le monde, de guider tout un peuple sans le secours de qui que ce