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pliqué avec diverses personnes de ce parti, et surtout avec M. Papineau qui m’a fait l’honneur de venir me voir, et m’a longuement parlé de l’état des affaires. M. Papineau est, comme le sait Votre Excellence, le Chef du parti Canadien Français : Il est depuis vingt ans le Président (speaker) de la chambre d’assemblée, et les efforts tentés, à différentes reprises par l’Autorité Anglaise et notamment par Lord Dalhousie qui cassa même le parlement à ce sujet, pour l’écarter de cet emploi, ont tous été infructueux. Il jouit dans le Pays d’une immense popularité et il la mérite à certains égards, ses ennemis eux-mêmes ne contestent ni ses talents, ni son caractère honorable ; ils le représentent seulement comme manquant de l’énergie et de l’audace qu’il faudrait à un Chef de Parti. Par conviction ou politique, Lord Gosford m’en a fait le plus grand éloge. M. Papineau qui a aujourd’hui environ 50 ans a exercé dans sa jeunesse, la profession d’avocat qu’il a entièrement abandonnée, depuis qu’il est entré dans la vie publique. Il possède au lieu dit la petite Nation à vingt ou trente lieues de Montréal, une propriété ou, pour parler le langage du pays, une seigneurie d’une assez grande étendue, mais d’un revenu médiocre. Il touche, comme speaker 1000 livres sterling par an. M. Papineau, m’a paru beaucoup au-dessous de sa réputation et du rôle qu’il prétend jouer ; ses idées sur les questions générales sont communes, sa conversation déclamatoire, son admiration pour les Institutions démocratiques des États-Unis, dénuée de critique et de discernement ; ce qui peut-être doit peu surprendre de la part d’un homme qui n’a reçu que l’imparfaite éducation d’un Pays fort arriéré, qui a à peine vu l’Europe et qui passe sa vie au milieu de gens qui lui sont fort inférieurs et l’écoutent comme un oracle ; mais ce qui m’a étonné et en même temps peu rassuré sur l’avenir du Parti Canadien, qu’il dirige à son gré, c’est qu’il se fait les plus dangereuses illusions tant sur la portée de ses ressources et l’esprit de la population, que sur l’appui à attendre des États-Unis. Il faut être en effet, bien aveuglé par les préoccupations de l’esprit de parti, ou comme on le croit ici assez généralement, par les fumées de l’ambition, pour vouloir faire d’hommes pacifiques, religieux, et Français d’origine comme le sont les Canadiens, des Révolutionnaires et des Démocrates jaloux de s’incorporer dans la République des États-Unis et pour se persuader que cette République va se jeter dans les chances