Page:Audiat - Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux.djvu/110

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Or, s’il divulgue son secret, le fruit de tant de travaux est à peu près perdu pour lui. Ce secret est le seul héritage qu’il peut laisser à ses enfants ; doit-il les en frustrer ? « Un bon remède, dit-il à la page 306, contre la peste, ou autre maladie pernicieuse ne doit estre celé. Les secrets de l’agriculture... les hasards et dangers de la nauigation... la parole de Dieu... les sciences qui servent communément à toute la république ne doyuent estre celées. » Mais il n’en est pas de même de son art. « Cuides-tu, ajoute-t-il, qu’vn homme de bon iugement veuille aussi donner les secrets d’vn art qui aura beaucoup cousté à celuy qui l’aura inuenté ? »

Combien, en effet, de charmantes inventions ont été avilies pour être devenues communes ! Combien de choses précieuses qui n’ont de mérite que par la rareté ! Palissy aurait pu citer les diamants ; il cite le verre « deuenu à vn prix si vil que la pluspart de ceux qui le font viuent plus mechaniquement que ne font les crocheteurs de Paris (page 307) ; » les émaux de Limoges vendus au rabais, parce que « ceux qui les inuenterent ne tindrent pas leur inuention secrette ; » la sculpture arrivée à un tel mépris, grâce aux mouleurs, « que tout le pays de Gascongne et autres lieux circonuoisins estoyent tous pleins de figures moulées de terre cuite, lesquelles on portoit vendre par les foyres et marchez, et les donnoit on pour deux liards chascune ; » les gravures d’Albert Durer, « histoires de nostre Dame imprimées de gros traits, » tellement multipliées par la typographie « qu’on donnoit pour deux liards chacune des dites histoires, combien que