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Page:Audiat - Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux.djvu/150

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ment qui étaient en état d’examiner et de réfléchir, les lettrés, les théologiens, par exemple. Ceux-là purent voir l’abîme, et s’ils s’y jetèrent, ce fut sciemment. Mais parmi la foule, combien ont suivi, combien ont marché au seul mot de Réforme ? Combien se sont précipités dans le schisme de bonne foi, croyant n’aller qu’à un catholicisme épuré ! Que d’âmes ont été sincères en abjurant la religion de leur enfance et se sont trompées avec candeur ! Quand la hardiesse devint plus grande avec le succès, les novateurs entonnèrent l’hymne de l’infaillibilité de la raison. Le sens intime se substituait à la tradition, et l’autorité cédait la place à la liberté. Il y avait dans cette doctrine de quoi séduire bien des imaginations. Cette permission de décider soi-même, de ne relever que du moi, et de juger tout d’après son propre criterium, charmait les lettrés et les charmera encore longtemps. Les esprits cultivés embrassèrent avec ardeur le luthéranisme ; « surtout, dit Florimond de Rémond, conseiller du roi au parlement de Bordeaux[1], surtout les peintres, orlogeurs, imagiers, orfèvres, libraires, imprimeurs et autres qui, en leurs mestiers, ont quelque noblesse d’esprit, furent les premiers aisez à surprendre. »

Ils ne remarquaient pas que la liberté absolue d’examen était un principe essentiellement dissolvant, et qu’une fois la souveraineté de la raison admise en tout, il est impossible de lui rien imposer. Aussi, immédiatement après leur rupture définitive

  1. Histoire de la Naissance, progrès et décadence de l’hérésie, liv. II, p. 935.