Page:Audiat - Bernard Palissy : étude sur sa vie et ses travaux.djvu/99

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Bernard Palissy avait réussi, mais non pas complètement. Ce succès pouvait l’engager à continuer ; il ne suffisait pas à fermer la bouche de ses détracteurs. L’émail doit être pour lui ce rocher que Sisyphe roulait toujours jusqu’au sommet de la montagne et qui retombait aussitôt. Il fera une nouvelle fournée. Mais il est endetté de tous côtés. Ses enfants qu’il faut nourrir, ses créanciers qu’il faut payer, ses voisins méchants et jaloux qu’il faut convaincre, sont pour lui des tracas plus pénibles que ses recherches céramiques. Sa femme résiste de toutes ses forces aux entreprises désespérées de son mari. Mère, elle songe à l’existence de ses enfants plutôt qu’à la gloire problématique de leur père. Était-ce sa faute, si elle ne comprenait rien aux rêves élevés du pauvre potier ? Tant d’autres s’y trompaient ! tant d’autres ne voyaient qu’un fou dans ce chrétien misérablement nippé qui, pour s’occuper de la grande œuvre, oubliait sa maison et négligeait son métier lucratif ! Heureux l’homme de labeur ou d’étude qui trouve dans sa compagne un appui pour les jours d’orage, un encouragement dans la prospérité, parfois un conseil utile pour ses travaux !

Le repos était nécessaire. On s’étonne même que l’artisan n’ait pas succombé à tant de fatigues et à tant de douleurs. Mais ce n’était qu’une halte dans ce long voyage, une étape de sa pénible route. « Quand ie me fus reposé vn peu de temps (page 316) auec regrets de ce que nul n’auoit pitié de moy, ie dis à mon âme : Qu’est-ce qui te triste, puisque tu as trouué ce que tu cherchois ? Trauaille à présent