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Un matin il parut sur la place publique, distribua tous ses biens à la foule, ne garda que sa femme et son fils, et quitta la ville pour oublier dans un exil volontaire cette sotte espèce humaine qu’il ne lui était pas donné de pouvoir changer, mais qu’il aurait pu supporter comme le font tant d’autres.

En apprenant sa fuite, ses amis le regardèrent les uns comme un sage, les autres comme un fou. Peut-être était-il sage et fou tout à la fois. Je le crains, car il se séparait des hommes et ne put vivre sans eux. Il mourut, s’en allant comme un voyageur pressé. Sa femme l’avait précédé de quelque jours, c’est tout simple ; elle avait moins de philosophie.

Bedkandir, orphelin à douze ans, déchira sa poitrine, et meurtrit son visage. Étendu sur la terre, il laissa passer deux jours sans prendre aucune nourriture. Vers la fin du troisième, il mangea un peu en pleurant beaucoup. Le lendemain il mangea davantage et pleura moins. Comme il était seul, sa douleur n’avait pas besoin de bienséance. Cette délicatesse qui nous fait verser des