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précisément le jour et l’heure où, à quelques cents lieues de là Bajazet vaincu échangeait son trône d’or pour une cage de fer. Bedkandir, sans songer à rien, s’amusait à jeter des cailloux dans l’eau.

Tout à coup se présente à sa vue un homme se traînant avec effort. Il sortait du bois. Jamais notre solitaire n’en avait rencontré de semblable. Quelle opulence dans ses vêtements ! Les pierreries dont ils étaient ornés semblaient ne recevoir les rayons du soleil que pour les renvoyer plus étincelans. L’ingénu Bedkandir allait peut-être se croire en présence du prophète et s’écrier : « Dieu bénisse Mahomet », si le chien n’eût aboyé, si la voix suppliante de l’étranger ne lui eût adressé ces mots : « Par pitié, quelque peu de nourriture, ou je meurs. »

Cette prière éloigna de l’esprit de Bedkandir toute idée de divinité. Il offrit aussitôt à l’étranger ses fruits, son lait et sa chaumière ; mais combien fut grande sa surprise, lorsque l’ayant fait entrer, il lui vit boire et dévorer avec une égale avidité et les fruits et le lait ! Il ne concevait pas comment avec