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peut manquer d’avoir de l’esprit, continua l’hôte avec un air de satisfaction vaniteuse, et il ira loin. D’après un chanoine de ma connaissance, l’esprit est la fortune de ceux qui en ont une à faire. »

Cette fois pour toute réponse le marchand se contenta de sourire. L’aubergiste ne s’y trompa point, il vit un blâme dans ce sourire. « Serais-je assez heureux, ajouta-t-il aussitôt, pour recevoir de vous, seigneur, un bon conseil ? — Je n’en donne presque jamais, repartit le marchand. J’ai appris à connaître leur inutilité. Un conseil peut tout au plus éclairer la raison ; il ne saurait donner la force d’agir ; il ne suffit pas de voir pour marcher, il faut encore avoir la volonté et la puissance de remuer les pieds. Ajoutez que suivre un conseil, c’est avouer qu’un autre l’emporte sur nous en sagesse : or, l’amour-propre ne se laisse guère arracher de tels aveux. — La supériorité de votre sagesse sur la mienne ne peut être mise en doute, continua l’hôte : étant plus âgé, vous avez aussi plus d’expérience. Et d’ailleurs un père souffre tant à se séparer de son fils,