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Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/10

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augmentaient mon mal. C’était alors l’affreux rêve qui arrivait. Un homme, toujours le même, levait sur moi un marteau, et cherchait à me briser la hanche en la frappant à grands coups. L’infirmière effrayée des cris sourds que je poussais venait me parler en mettant sa main sur mon front, et je m’efforçais moi-même de chasser la somnolence et son rêve.

Cet état dura une semaine qui me parut plus longue que tout mon temps déjà vécu. Puis, l’homme au marteau céda sa place à un tombereau plein de pierres dont une roue m’écrasait la hanche, mais de temps à autre, je réussissais, pour une minute, à soulever le lourd tombereau, et cette minute sans souffrance m’était plus précieuse que la clarté du soleil.

L’apaisement se décida pourtant à venir. Mon mal qui continuait à veiller pendant la nuit s’endormait parfois durant le jour. Dans ces moments-là, il me venait un grand désir de remuer, car je pensais à la maison, où malgré mes quatorze ans seulement j’étais si nécessaire.

Qui donc prenait soin des jumeaux en mon absence ? Ce n’était pas ma mère occupée au dehors ainsi que mon père. Ni Angèle, qui préparait sa première communion. Pas davantage Firmin qui ne savait que jouer. Et je n’avais guère confiance en la femme de ménage, vieille et toujours lasse. Et puis, qui donc à part moi pouvait faire obéir l’espiègle Nicole et le turbulent Nicolas ? Et mon imagination créait mille dangers auxquels les deux enfants ne pouvaient échapper.

Ma mère essaya de me tranquilliser en m’assu-