Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/147

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couverts et les bénéfices deviendront fameux. Justement, aujourd’hui ses patrons lui ont fait des offres sérieuses. Ces deux vieux perdent de plus en plus le goût du travail, ils ont trouvé à Nice, ce qu’ils appellent un repos bruyant et qu’ils aiment, et ils voudraient pouvoir en profiter sans souci d’aucune sorte.

Je laisse parler Valère, sachant qu’il a besoin de dépenser cette force nerveuse que les mets choisis viennent d’augmenter et que j’ai remarquée pour la première fois sur le bateau du port vendéen. Je sais que demain il redeviendra le Valère aux yeux réfléchis, aux gestes bien mesurés, et qu’il sera le premier à rire de ses regrets de pauvreté. Et puis, demain, c’est dimanche, et les dimanches jusqu’ici ont toujours été les jours de fête de notre amour.

Quatre heures sonnent. Et doucement, tendrement, j’emmène Valère vers le repos.


Notre dimanche s’est levé magnifique. Le ciel est bleu, la mer est bleue et mes pensées sont bleues. Il fait si beau que je dresse la table dans l’encadrement de la fenêtre ouverte. L’amandier fleuri sera notre bouquet, l’ombre de midi qu’il projette est bleue aussi, et sur cette ombre, les pétales blancs qu’il sème lui font au pied comme un joli tapis à fleurettes.

Les pensées de Valère ne sont pas bleues comme les miennes ; il reste sans faim devant son œuf à la coque, et il dit :

— Hier nous avons mangé du chevreuil et des perdreaux faisandés.