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Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/189

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vement chaque tétée de mon enfant, et très vite, j’acquis la certitude que rien ou presque rien de ce qu’il prenait ne restait dans son estomac. Non seulement il rejetait le lait, mais tandis qu’il tétait, le lait lui échappait et coulait en deux fines rigoles aux coins de sa petite bouche ! Aussi, lorsque la sage-femme entra de nouveau dans la salle, je l’appelai :

— Madame ! mon petit a quelque chose dans la gorge qui le gêne pour téter.

Elle ne me laissa pas dire autre chose ; elle prit l’enfant qu’elle mit adroitement à mon sein. Et, comme il le prenait goulûment, selon son habitude, elle haussa les épaules et voulut s’éloigner.

Je la saisis par le bras :

— Attendez !

Mon accent avait été si impérieux qu’il me surprit et me fit rougir. Cependant je continuais à tenir si serré le bras de la sage-femme qu’il lui fallut bien attendre et constater que je disais vrai.

Des médecins vinrent examiner l’enfant ; l’un d’eux qui l’avait emporté et gardé un long moment, me le rendit en me conseillant de l’allaiter aussi souvent que possible.

Il y eut des chuchotements autour de moi. Les autres jeunes mères me regardaient avec pitié, et comme je prêtais attention à leur moindre propos, j’entendis :

— Pardi ! c’est un enfant qui a trop pâti dans le sein de sa mère.

Ces mots m’arrivèrent comme un soufflet en plein visage. Trop pâti !

Ainsi en m’éloignant de Valère j’avais sauvé