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Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/20

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de moi. Elle m’emmenait partout où elle avait à faire, et il arrivait que nous passions des journées entières, aux champs, au jardin ou à la rivière.

Ce qui me plaisait le plus dans les travaux de Manine c’était de suivre les dindes et les pintades qui se cachaient dans les haies pour pondre, et dont il nous fallait chercher et découvrir les œufs.

J’étais paresseuse le matin, et Manine me grondait souvent pour me faire lever, mais lorsqu’elle me disait : « Dépêche-toi, on va suivre une dinde », j’étais vite réveillée et vêtue.

Il fallait beaucoup d’attention et beaucoup de patience pour suivre la dinde. Elle s’en allait au nid sans se presser, caquetant et picorant de-ci, de-là, s’écartant même de la haie comme si elle avait l’intention d’aller en sens inverse, et faisant mine de rentrer à la basse-cour dès qu’elle s’apercevait de notre présence. Après des tours et des détours elle se décidait enfin à longer la haie, toujours caquetant et picorant, comme si de rien n’était. Et brusquement, elle disparaissait sans que rien pût nous indiquer l’endroit où elle venait de se nicher.

Manine en restait toujours stupéfaite.

— Elle a fondu sous mes yeux, disait-elle.

Elle s’asseyait sur l’herbe alors, tirait son tricot de sa poche et m’interdisait le moindre bruit.

Du temps passait, au bout duquel Manine se levait pour explorer la haie. Elle ne trouvait pas toujours ce qu’elle cherchait, mais il lui arrivait aussi de découvrir trois ou quatre beaux œufs bien cachés sous des feuilles sèches.

Il ne restait plus qu’à se rappeler l’endroit afin