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Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/21

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d’aller ramasser le nouvel œuf, mais il fallait bien se garder de surprendre la dinde au nid, car elle l’abandonnait sur l’heure, et tout était à recommencer.

Ces courses du matin me paraissaient si amusantes que je devins vite capable de les faire seule. J’avais remarqué que les pintades tout comme les dindes cessaient de caqueter lorsqu’elles approchaient de leur nid. Aussi, à ce moment-là, je me dissimulais de mon mieux en redoublant d’attention et je voyais la dinde ou la pintade allonger le cou, s’aplatir, et s’avancer à grands pas raides vers sa cachette.

La première fois que je revins au moulin avec mon tablier plein d’œufs et que je racontai comment je m’y étais prise pour les avoir, oncle meunier rit de mon adresse, et dit :

— Les enfants comprennent bien mieux que nous la malice des bêtes.

Ce soir, Manine et moi, nous nous plaisons au rappel de ces jours lointains, et la douceur que nous en ressentons, est comme un large écran qui nous cache le jour présent et nous en fait oublier la tristesse.


Mes parents n’ont pas voulu attendre à demain pour repartir. Tous deux m’ont dit avant de regagner la gare. « Il n’est pas prudent de laisser les enfants seuls à Paris. »

Je n’ai pas essayé de les retenir, et je ne leur ai pas laissé voir le chagrin que me causait leur départ précipité. Mais, lorsque le train qui les emportait commença de rouler dans la campagne, je