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II


Le printemps va finir ; plus rien n’est au repos dans la campagne, et déjà des deux côtés de la rivière les faucheurs couchent en longs andains l’herbe fleurie des prés. Des femmes, des jeunes filles et même des enfants munis de fourches et de rateaux secouent et retournent le foin sous le soleil, tandis que des hommes le chargent sur des charrettes qui l’emportent vers les granges du village ou vers les fermes avoisinantes.

Par le sentier qui longe la maison et remonte à la route, je vois revenir, le soir, les faneurs, silencieux et traînant les pieds, las d’une interminable journée de travail et de chaleur. Quelques-uns s’arrêtent au seuil de notre porte pour s’enquérir de ma santé, et toujours je ressens de l’humiliation à être vue couchée comme une paresseuse.

À cause de la fenaison, Manine n’a guère le temps de s’occuper de la petite Reine, qu’elle a mise au monde le lendemain même de mon arrivée. Levée avec le jour, elle change en hâte les langes de l’enfant, approche le berceau de mon lit, et s’en va en courant aider tante Rude au moulin, pour