Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/249

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il est venu ici ces jours derniers. Je l’ai rencontré sur ce même chemin avec une jolie dame et je l’ai bien reconnu malgré son bras en moins et sa figure blessée.

Oh ! comme le petit animal blanc s’agite et creuse dans mon cœur. Mais déjà l’homme ajoute :

— Il croyait trouver le meunier, et quand il a su qu’il était défunt aussi, il s’est appuyé à cette palissade et il a pleuré comme un enfant.

Je voudrais interroger cet homme qui est heureux de causer. Je voudrais connaître les blessures dont il parle et que je n’ai pas aperçues. Je voudrais surtout savoir si la jolie dame est la compagne que Valère a choisie pour toujours. Mais lorsque je peux enfin desserrer les dents, au lieu de toutes ces questions, je demande :

— Où sont donc les oiseaux ? Je n’en vois pas un seul sur le chemin.

L’homme me regarde comme si je lui parlais soudain une langue étrangère, puis il comprend et répond avec indifférence :

— Oh ! ils sont tous dans la vigne à piquer le raisin.

Il s’éloigne sur ces mots, et je reste sans plus savoir ce que je suis venue faire ici. Puis, l’espoir, que je croyais parti pour toujours revient et chasse de mon cœur le petit animal tout blanc. « Cette jeune femme qui accompagne Valère n’est peut-être que la marraine de guerre compatissante et douce du blessé ? Valère, infirme, venait peut-être demander l’appui d’oncle meunier pour revenir auprès de moi ? »

Mon espoir grandit :

« À défaut d’oncle meunier, Valère a certaine-