Clémence prit le départ de sa mère d’une autre manière. Rassurée sur sa petite sœur elle sauta de mon lit à terre en demandant :
— Alors, le petit garçon va boire toute la tétée de maman ?
— Oui.
— Et qu’est-ce qu’il donnera, en pour, le petit garçon ?
— De l’argent.
Elle passa les mains sur son tablier rapiécé :
— Alors, maman pourra m’en acheter un neuf ?
— Oui.
Elle énuméra tous ses vêtements, jusqu’à ses souliers, et lorsque j’eus répondu oui pour chaque chose, elle se mit à rire et à sauter joyeusement par la chambre.
Manine à son retour trouva la petite Reine tétant son biberon comme si elle n’avait jamais connu le sein de sa mère. Cependant, ce ne fut pas à tante Rude qu’elle adressa ses remerciements. Elle mit sur mon front un baiser tout pareil à celui que j’avais donné à sa fille la nuit d’avant, et la voix tout émue, elle me dit :
— Tu seras bénie dans tes enfants, Annette.
Je n’eus pas à attendre si longtemps ma récompense ; Manine l’apportait avec elle. Pendant son court séjour à Paris, elle avait trouvé le moyen de se rendre chez mes parents. Et d’eux, et des enfants, elle avait tant à me dire, que la journée passa tout entière avant qu’elle n’eût fini.
Et si, dans les jours qui suivirent, je continuais à garder les mains croisées sous ma tête, ce n’était plus pour ressasser mon ennui, c’était pour ne