Page:Audoux - De la ville au moulin.djvu/41

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partaient trop tôt à mon gré. Et, sans réfléchir qu’ils étaient partis depuis un bon moment déjà, je me lançai à leur poursuite. J’arrivai trop tard à la gare. Tous les voyageurs étaient sur le quai et la porte en était fermée. Je courus à la petite barrière de sortie et là, j’aperçus mon père et ma mère un peu à l’écart. Leur visage me parut plus sévère encore, dur même et comme buté. Oncle meunier placé entre eux, le visage sévère aussi leur parlait avec des gestes fermes et précis, et il me semblait l’entendre dire, en colère cette fois :

« Faites violence à vos passions. »

Tous trois s’immobilisèrent devant le train qui arrivait. Mon père monta aussitôt dans la voiture qui se trouvait devant lui, tandis que ma mère s’éloignait rapidement pour monter dans une autre voiture.

Je dus reculer pour laisser s’ouvrir la petite barrière, je restai là sans bien savoir ce que je voulais, bousculée par les voyageurs descendant du train.

Oncle meunier sursauta en m’apercevant :

— Tu voulais les voir encore, je parie ?

Et il eut un geste de la main comme pour faire arrêter le train déjà parti.

Une peine qui me serrait la gorge me fit une voix de toute petite fille, lorsque je dis :

— Les voilà séparés !

Oncle meunier s’indigna :

— Ils te l’ont dit ?

Je ne pensais qu’à la séparation du wagon, mais devant le ricanement plein de mépris d’oncle meunier, j’eus l’intuition d’une séparation beau-