Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/112

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couru après lui ! Quelqu’un t’a vue. On t’a même entendu l’appeler.

Elle ne songe pas à nier cela. Elle est toute vérité. En cet instant, la brutalité qui a suivi son appel s’efface de sa mémoire. Elle ne se souvient plus que du mouvement joyeux qui l’a poussée vers Luc, et elle ne trouve rien à dire pour expliquer ce mouvement. Quelque chose aussi la soulève bien au-dessus de la sapinière. Ce mensonge de Luc, elle le voit de haut. C’est une boue malpropre dans laquelle il ne lui est pas permis de poser les pieds. Et le regard vague, elle redit seulement :

— Luc a menti !

Noël lui secoue le bras impatiemment :

— Mais dis quelque chose de sensé, au moins ! Mon frère n’a aucun intérêt à mentir. Il m’aime, lui ! Il m’a affirmé que tu étais allée à lui la première. Dis que tu le préfères à moi !

Il lui fait mal, à lui secouer ainsi le bras. Elle ne se plaint pas. Elle recule seulement et s’embarrasse les pieds dans la fougère qui se courbe et s’étale devant elle comme un frais tapis. Il la saisit aux épaules, qui tiennent tout entières dans ses mains, et qu’il pourrait broyer sans grand’peine. Il essaye de capter ce regard qui erre comme