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Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/155

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musique autant qu’elle le désirait ; elle s’était vite aperçue qu’elle ne pouvait plus chanter. Sa voix devenait sourde et voilée, et après quelques mois elle s’effaça tout à fait.

Tout d’abord elle n’en eut pas de chagrin. À part ses heures de musique et les bonnes causeries de sa vieille amie, elle vivait dans une sorte de langueur qui la laissait sans ennui comme sans désir d’aucune sorte. Parfois, devant cette indifférence d’elle-même et des autres, elle se demandait si elle était vraiment vivante. Elle s’arrêtait peu à cette pensée. Vivante ou morte, pour elle n’était-ce pas la même chose, puisque le seul être qui pouvait animer sa vie s’était séparé d’elle à jamais.

Sa santé restait médiocre. À la moindre fatigue elle ressentait cet accablement qu’elle appelait sa vieillesse. Et toujours, elle retrouvait l’impression d’avoir vécu une très longue vie pendant la journée du départ de Noël et de la mort de son chien. De plus, habituée au grand air, elle supportait mal l’air raréfié de cet atelier de tailleur où vivaient une trentaine d’ouvrières, dans la poussière constante des étoffes et la buée des fers chauds écrasant tout le jour des coutures et des plis mouillés. Il