Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/160

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de doigts humains. Enfin le prélude d’un chant triste, et c’est le silence.

De sa séparation avec la vieille cousine de Mlle Charmes, Églantine a gardé un ennui sans bornes. L’impossibilité de faire de la musique, jointe à la perte d’une société aimable, est une peine qui s’appuie à l’ancienne pour l’augmenter et faire, d’une jeune fille intelligente et tendre, une créature solitaire et ne vivant que de mauvais souvenirs. Lorsqu’à l’atelier ses compagnes racontent leurs sorties du dimanche, les promenades en bandes joyeuses par la campagne où l’on s’amuse tant, où l’on respire de l’air pur pour toute la semaine, et où l’on a l’espoir de rencontrer celui qui deviendra le compagnon de sa vie, si elle les écoute avec plaisir, elle ne les envie pas. Pour son dimanche elle a le patronage d’en face, de l’autre côté de la rue, large, carré, planté d’acacias grêles et de marronniers touffus, où des gamins viennent courir et crier. Elle passe des heures à sa fenêtre lorsqu’au printemps les marronniers haussent leurs chandelles roses, et que les acacias laissent pendre leurs grappes, comme pour les offrir aux enfants. Mais ce qu’elle aime surtout, c’est son jardin secret. Un jardin où elle peut