Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/185

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telle de sa mère ? À l’heure même de cette chute, elle s’était dressée de son lit, pleurant et criant que sa maman ne reviendrait plus jamais, jamais. À la longue, elle s’était calmée mais le lendemain, alors qu’elle semblait avoir oublié son mauvais rêve, elle avait posé des questions si précises, et si au-dessus de ses dix ans, qu’il avait bien fallu lui dire la vérité. Elle n’avait montré aucune surprise. Seule, sa petite figure s’était flétrie et comme vieillie lorsqu’elle avait dit à son père : « Je savais bien que maman était morte. Je l’ai vue tomber de son beau cheval tandis que je dormais. »

Arrivé l’un des premiers à l’église de la Madeleine, pour la messe de l’enterrement, Jacques s’assied sur le banc le plus reculé. Il ne s’intéresse guère à l’entrée des jeunes femmes et des jeunes hommes qui se pressent comme au théâtre afin d’être au premier rang. Pourtant ce n’est pas son chagrin qui le rend indifférent à ce qui se passe autour de lui. Il n’en a pas, lui semble-t-il. Ces cierges, qui brûlent par centaines et illuminent l’église tout entière, ces larmes d’argent tombant sur du drap noir