Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/207

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— Y a rien que j’aime tant !

D’instant en instant le vent grandissait. Et bien avant l’heure de midi, la tempête était sur l’île. Une tempête qui dura deux jours entiers. Deux jours pendant lesquels Églantine ne quitta pas le bord, se glissant et rampant le long des rochers, attirée partout où le flot battait le plus fort.

Pour l’instant, accoudée à une roche faisant partie d’une masse étagée à vingt mètres au-dessus de l’eau, elle regarde cette mer en furie qui se hausse comme pour escalader la masse et passer sur l’île. Elle rit de sa fureur. Elle rit de la voir reculer pour prendre son élan. Elle rit de la voir bondir, hurler, frapper et toujours se briser à moitié chemin. Elle a envie de lui crier, ainsi que le faisait Christine au vent de Paris : « Pas si fort, voyons, pas si fort ! »

Mais, très vite, son rire cesse. La main en abat-jour pour éviter l’embrun qui lui brûle les paupières, elle regarde se former un affreux bouillonnement au pied même des rochers. Dans le creux apparaissent des choses brunes qui se déplacent, et il lui semble voir des corps emmêlés luttant pour regagner la terre. Une terreur lui vient. Son imagination, qui s’était affaiblie à Paris où tout était toujours si précis, retrouve d’un