Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/210

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lée. Il rit en voyant qu’elle a perdu dans la lutte une de ses sandales, et qu’elle garde son pied nu sous elle, ce qui rend son équilibre instable et lui donne l’air d’un grand oiseau s’essayant au repos. Et il rit plus fort encore en apercevant, au bas des rochers, la sandale que la mer tourne et retourne, comme si elle cherchait à reconnaître un objet lui appartenant et qu’on vient de lui rendre. Églantine, à l’encontre de Raymond, reste silencieuse. Pour la première fois elle a craint pour sa vie. Son cœur en reste tout désemparé et bat à torts et à travers. Et puis, la roche qui lui a meurtri la poitrine, l’a également blessée au front où elle ressent des élancements douloureux. Cependant, ainsi que son compagnon, elle ne peut s’empêcher de regarder encore les vagues lutter les unes contre les autres dans une bataille folle qui semble ne devoir jamais finir. Elle ne peut s’empêcher non plus de regarder à la dérobée le garçon, dont le visage intelligent et malicieux a retrouvé sa bonne mine. Et, à l’entendre rire de si bon cœur, elle retrouve elle-même sa bonne mine ; et son propre rire éclate enfin, clair et frais, lorsque Raymond tout joyeux dit sur le même ton que Christine :

— Y a rien que j’aime tant !