Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/231

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semble bien que la bonne humeur de l’enfant soit en péril au moins autant que celle de la mer. Elle se plaint de tout et de tous : de l’école, beaucoup trop éloignée du village ; du vent qui souffle sans arrêt, surtout de ce petit « Nordé » qui passe en sifflant dans le ciel bleu, et vous pique le nez au point de vous tirer des larmes. Et puis, dans le petit port, il n’y a plus de gaieté. Les pêcheurs ne s’y arrêtent que pour embarquer ou débarquer. Ils raccommodent maintenant leurs filets chez eux, à porte fermée. Bénoni ne raconte plus d’histoires, et le petit Tralala joue sur sa carcasse de bateau sans plus jamais pleurer, ni chanter. Même chez Marie-Danièle rien ne va bien. Le bruit que font les ouvriers en remettant les tuiles du toit lui fait mal à la tête, le chien se couche en rond sous la table, où il gêne les pieds, au lieu de s’étaler au milieu de la pièce. Le mûrier bouche le jour de la fenêtre, et Raymond, qui vient d’avoir quatorze ans, parle de s’en aller à Nantes pour apprendre un métier.

Les lettres de Christine ont toujours une écriture informe aux lignes de travers ou se chevauchant. À son père, qui lui en fait le reproche, elle répond qu’elle ne peut pas écrire droit, parce que Paris l’appelle de