Page:Audoux - Douce Lumiere.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peur. Elle ne doutait pas cependant que sa chère Douce serait un jour la femme de Noël, ainsi que lui-même l’affirmait de toute sa foi et de toute sa volonté. Églantine s’inquiétait du vouloir de son grand-père, lorsque ce moment-là serait venu. Et Noël se rebiffait contre cette haine d’un grand-père pour sa petite fille. Il n’en admettait pas la raison. Et pour la combattre, il voulut connaître tous les détails du malheur passé. Mère Clarisse pensait comme lui : « quand on connaît bien le passé, disait-elle, on dirige mieux le présent. » Églantine excusait cette haine, ayant fini par se croire vraiment coupable d’être née. Que de fois elle était entrée seule dans cette chambre du haut, où Noël l’avait conduite le premier, et que le père Lumière habitait maintenant, sans y avoir rien changé, à part le berceau qu’il avait enlevé et mis dans le coin le plus sombre du grenier. Que de fois elle avait regardé le portrait de ses parents dans leurs beaux habits de jeunes mariés. Et toujours, sans pouvoir s’en empêcher, elle prenait dans ses mains le cadre doré pour lire au dos ces deux lignes que Noël n’avait pu déchiffrer sous la poussière :

Marc Lumière, mort à vingt-deux ans.