Page:Audoux - La Fiancee.djvu/45

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remettre debout… Et quelle fatigue d’avoir à répéter toujours les mêmes mots à ces clients qui exigeaient qu’on leur refît des souliers neufs avec de pareils déchets ! Il gardait encore dans l’oreille le son de sa propre voix. « Bien sûr, je ferai de mon mieux, mais vos souliers, vous n’avez pas dû les payer bien cher. Voyez, le cuir ne vaut rien, le fil ne vaut rien, rien ne vaut rien. » Les clients s’en allaient parfois en riant, mais parfois aussi ils se fâchaient et l’injuriaient. — Et tous ceux qui envoyaient chercher leurs chaussures par des gamins délurés qui filaient prestement en disant bien haut : « Papa viendra vous payer lui-même. » — Et les jolies filles qui lui promettaient, avec un sourire, de venir le payer le lendemain et qu’il ne revoyait jamais… Que d’argent perdu, mon Dieu ! Et comme le monde est malin !

Non, certainement, Nestin ne regrettait pas ce temps-là malgré l’ennui lourd qui l’écrasait par instant. Et pour la première fois, peut-être, Nestin et Nestine furent en désaccord.

Cela, heureusement, ne dura que quelques