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MARIE-CLAIRE

Je me couchai tout habillée ce soir-là, et quand la grosse horloge sonna minuit, je sortis tout doucement avec mes souliers à la main. Je laçai mes souliers à tâtons en m’appuyant contre une charrue, et je m’éloignai très vite dans l’obscurité.

Aussitôt que j’eus dépassé les bâtiments de la ferme, je m’aperçus que la nuit n’était pas très noire. Le vent soufflait furieusement et de gros nuages roulaient sous la lune. La route était loin, et pour y arriver il fallait passer sur un pont de bois à moitié démoli ; les premières pluies avaient grossi la petite rivière, et l’eau passait par-dessus les planches.

La peur me prit, parce que l’eau et le vent faisaient un bruit que je n’avais jamais entendu. Mais je ne voulais pas avoir peur, et je traversai vivement les planches glissantes.

J’arrivai à la route plus vite que je ne pensais ; je tournai à gauche comme je l’avais vu faire au fermier quand il allait au marché de la ville. Et voilà qu’un peu plus loin la route se séparait en deux. Je ne savais plus laquelle prendre. Je m’engageai tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre. Celle de gauche m’attirait