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Page:Audoux - Marie-Claire.djvu/16

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VIII
PRÉFACE

d’un vieux bouquin lui révéla le monde des histoires. Depuis ce jour-là, avec une passion grandissante, elle lut tout ce qui lui tombait sous la main, feuilletons, vieux almanachs, etc. Et elle fut prise du désir vague, informulé, d’écrire un jour, elle aussi, des histoires. Et ce désir se réalisa, le jour où le médecin, consulté à l’Hôtel-Dieu, lui interdit de coudre, sous peine de devenir aveugle.

Des journalistes ont imaginé que Marguerite Audoux s’écria alors : « Puisque je ne peux plus coudre un corsage, je vais faire un livre. »

Cette légende, capable de satisfaire, à la fois, le goût qu’ont les bourgeois pour l’extraordinaire et le mépris qu’ils ont de la littérature, est fausse et absurde.

Chez l’auteur de Marie-Claire, le goût de la littérature n’est pas distinct de la curiosité supérieure de la vie, et ce qu’elle s’amusa à noter, ce fut, tout simplement, le spectacle de la vie quotidienne, mais encore plus ce qu’elle imaginait, ce qu’elle devinait de l’existence des gens rencontrés. Déjà, ses dons d’intuition égalaient ses facultés d’observation… Elle ne parlait jamais à quiconque de cette « manie » de griffonner, et brûlait ses bouts de papier, qu’elle croyait ne pouvoir intéresser personne.