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IX
PRÉFACE

Il fallut que le hasard la conduisît dans un milieu où fréquentaient quelques jeunes artistes, pour qu’elle se rendît compte combien les séduisait, combien les empoignait son don du récit. Charles-Louis Philippe l’encouragea particulièrement, mais jamais il ne lui donna de conseils. Adressés à une femme dont la sensibilité était si éduquée déjà, la volonté si arrêtée, le tempérament si affirmé, il les sentait encore plus inutiles que dangereux.

À notre époque, tous les gens cultivés, et ceux qui croient l’être, se soucient fort de retour à la tradition et parlent de s’imposer une forte discipline… N’est-il pas délicieux que ce soit une ouvrière, ignorant l’orthographe, qui retrouve, ou plutôt qui invente ces grandes qualités de sobriété, de goût, d’évocation, auxquelles l’expérience et la volonté n’arrivent jamais seules ?

La volonté, d’ailleurs, ne fait pas défaut à Marguerite Audoux, et quant à l’expérience, ce qui lui en tient lieu, c’est ce sens inné de la langue qui lui permet non pas d’écrire comme une somnambule, mais de travailler sa phrase, de l’équilibrer, de la simplifier, en vue d’un rythme dont elle n’a pas appris à connaître