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MARIE-CLAIRE

il tendit la main vers sa femme qui lui passa le plus grand couteau. Il en appuya la pointe à l’endroit que marquait son doigt, et il se mit à l’enfoncer lentement.

À ce moment, les cris que poussait le porc ressemblaient à des cris humains.

Il sortit de sa blessure une goutte de sang qui coula en une grande traînée rouge. Puis deux jets montèrent le long du couteau, et retombèrent sur la main du fermier. Quand le couteau fut enfoncé jusqu’au manche, maître Sylvain pesa dessus pendant un moment, et il le retira aussi lentement qu’il l’avait enfoncé.

En voyant ressortir la lame toute rayée de rouge, je sentis que ma bouche devenait froide et que je n’avais plus de salive.

Mes doigts se desserrèrent aussi, et la poêle pencha toute d’un côté.

Maître Sylvain le vit : il leva les yeux sur moi, et il cria à sa femme :

— Prends-lui la poêle.

J’étais incapable de dire une parole, mais je fis signe que non. Le regard si calme du fermier avait chassé mon émotion, et ce fut