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MARIE-CLAIRE

frances, et c’est comme si nous n’avions pas de visage.

Puis elle parla d’avenir ; elle disait :

— Je m’en vais où vont les missionnaires. Je vivrai là-bas dans une maison pleine d’épouvante ; j’aurai sans cesse devant les yeux toutes les laideurs, et toutes les pourritures !

J’écoutai sa voix profonde ; il y avait au fond comme une ardeur : on eût dit qu’elle pouvait prendre pour elle seule toutes les souffrances de la terre.

Ses doigts cessèrent de s’entre-croiser aux miens. Elle les passa sur mes joues, et sa voix se fit très douce pour me dire :

— La pureté de ton visage restera gravée dans ma pensée.

Et pendant que son regard passait au-dessus de moi, elle ajouta :

— Dieu nous a donné le souvenir, et il n’est au pouvoir de personne de nous le retirer.

Elle se leva du banc, je l’accompagnai jusqu’à la sortie, et, quand Bel-Œil eut refermé sur elle la lourde porte, j’en écou-