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MARIE-CLAIRE

elle la voyait m’embrasser, elle rougissait de dépit.

Je commençais à grandir et j’étais assez bien portante. Sœur Marie-Aimée disait qu’elle était fière de moi. Elle me serrait si fort en m’embrassant qu’elle me faisait mal. Puis elle disait en posant délicatement ses doigts sur mon front :

— Ma petite fille ! mon petit enfant !

Pendant les récréations, je restais souvent près d’elle. Je l’écoutais lire : elle lisait d’une voix profonde et mordante, et, quand les personnages lui déplaisaient par trop, elle fermait violemment le livre et se mêlait à nos jeux.

Elle eût voulu me voir sans défaut. Elle répétait souvent :

— Je veux que tu sois parfaite ; entends-tu ? parfaite.

Un jour, elle crut que j’avais menti.

Nous avions trois vaches qui paissaient quelquefois sur une pelouse au milieu de laquelle se trouvait un énorme marronnier. La vache blanche était méchante, et nous en avions peur, parce qu’elle avait déjà piétiné une petite fille.