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MARIE-CLAIRE


J’entrai dans la bergerie et j’essayai de les compter encore ; ce n’était pas facile et je dus y renoncer, car j’en trouvais toujours plus qu’il n’en fallait.

Je me persuadai que j’avais mal compté la première fois, et je n’en dis rien à personne. Le lendemain, je les comptai en les faisant sortir de la bergerie : il en manquait bien deux.

J’étais très inquiète ; toute la journée, je les cherchai dans les champs, et le soir, après m’être assurée qu’ils manquaient toujours, j’en avertis la fermière. On fit des recherches pendant plusieurs jours, mais les agneaux restèrent introuvables. Alors les fermiers me prirent à part l’un après l’autre. Ils voulaient me faire avouer que des hommes étaient venus prendre les agneaux, et ils m’assuraient que je ne serais pas grondée si je disais la vérité. J’avais beau affirmer que je ne savais pas ce qu’ils étaient devenus, je voyais bien qu’on ne me croyait pas.

Maintenant, j’avais peur dans les champs, depuis que je savais que des hommes pouvaient se cacher pour prendre les moutons ; je croyais toujours voir remuer quelqu’un derrière les buissons.

J’appris très vite à les compter des yeux ; et qu’ils fussent dispersés ou rapprochés les uns des autres, en une minute je savais si le compte y était.